vendredi 2 mars 2012

Vieille image (poème d'Anne Hébert)


Tout détruire
Le village
Et le château

Ce mirage de château
À la droite
De notre enfance.

L'allée de pins
Se ravine
Comme un mauvais chemin

Et nous marchons
Dans cet abîme
Se creusant.

Les pas des morts
Les pas des morts
Nous accompagnent
Doux muets.

Nous affichons
Notre profonde différence
En silence:

La rage
Qui oppresse nos poitrines
La corde que nous tenons
Et la poutre d'ébène
Que nous cherchons
Au grenier
De la plus douce tourelle.

Et, vieille image
Château village
Croulent au soleil
Sous le poids léger
D'un seul pendu.

jeudi 1 mars 2012

En guise de fête (poème d'Anne Hébert)

Le soleil luit
Le soleil luit
Le monde est complet
Et rond le jardin.

J'ai allumé
Deux chandelles
Deux feux de cire
Comme deux fleurs jaunes.

Le jour pourrit
Les feux de nuit,
Deux fleurs fanées,
Aux blanches tiges d'église ;

Le monde est en ordre
Le morts dessous
Les vivants dessus.

Les morts me visitent
Le monde est en ordre
Les morts dessous
Les vivants dessus.

Les morts m'ennuient
Les vivants me tuent.

J'ai allumé
Deux fleurs tremblantes,
J'ai pris mes yeux
Dans mes mains
Comme des pierres d'eau

Et j'ai dansé
Les gestes des fous
Autour de mes larmes
En guise de fête.